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Hendaye : Mettre le Territoire au cœur de la création

 

PORJET IDENTITES EXILEES

Faire de l’exil un axe fédérateur, c’est faire de la réalité du territoire la source d’inspiration première de la création.
Le temps de l’exil, c’est celui de la mémoire. Des hommes hier, ont laissé sur le territoire la trace de leur arrachement. C’est sur les traces de ces étrangers d’hier que c’est fondé l’identité du territoire d’aujourd’hui.
Le temps de l’exil, c’est le temps présent. L’exil social est venu se conjuguer à l’exil politique. L’exil social défini celui qui est étranger à la normalité. Il le définit comme étant dans la marge, comme étant un public sensible.
Le temps de l’exil, c’est le présent, c’est celui de « l’étrange jeune » cohabitant avec l’ensemble du territoire, dans une temporalité bien à lui, à l’intersection entre le présent et le futur.
S’inspirer du territoire, c’est intégrer cet exil pluriel comme une identité à part entière et par le biais de la création donner à voir son universalité, universalité dans laquelle chacun, quelque soit son territoire, pourra se reconnaître.

METTRE LE TERRITOIRE AU CŒUR DE LA CRÉATION

Les habitants, organes vivants du territoire
La collecte de leur parole constituera la matière première de cette création. Ce collectage s’effectuera auprès des habitants, il devra être représentatif de la réalité sociale et culturelle qui fonde le quartier. Plus qu’un travail de mémoire, ce travail est pour moi un souci d’avenir. Savoir d’où l’on vient pour pouvoir imaginer projeter rêver où l’on va.
C’est à partir de chacune des paroles collectées que j’effectuerai mon travail d’auteur, chacune de ces paroles constituera la matière première à l’écriture d’une fiction.
Nous effectuerons ce travail de collectage en nous appuyant sur le tissu associatif et la réalité sociale du territoire. Nous pourrons ainsi effectuer un travail intergénérationnel qui nous permettra de ne pas nous enfermer dans nos certitudes, nos poncifs mais au contraire de nous inscrire dans une réalité sociale et culturelle qui incarne le « ici et maintenant »

LA CREATION

Il s’agit à partir de toute la matière collectée (le travail de collectage effectué par la compagnie mais aussi tout le travail effectué par l’ethnologue préalablement) d’écrire et de mettre en scène un monologue, de créer une figure qui donnera corps et voix à cet exil fédérateur qui incarnera le métissage fondateur identitaire du territoire
Il y a dans ce travail l’abolition des frontières, il est donc évident qu’il ne s’agit en aucun cas de créer un spectacle « local » mais au contraire de permettre à chacun quelque soit l’endroit d’où il nous écoute, de trouver sa place, de se reconnaître. Nous menons ce travail sur plusieurs autres territoires en collaboration avec différents lieux (Isère : théâtre du Poteau Noir), (Charente : La maison Maria Casarès, le théâtre des Carmes), (Auvergne : Théâtre du Cube Montluçon). De chacun de ces territoires naîtra un monologue, il me paraît judicieux que nous puissions élaborer tous ensemble un travail de transversalité qui nous permettra d’abolir les frontières d’investir les espaces, de favoriser le métissage, de rêver ensemble une autre société

DÉROULEMENT DU PROJET

De septembre à juin (2011/2012 ou 2012/2013)
De septembre à mai rencontres individuelles plus élaboration avec les associations et différentes institutions du territoire, d’actions qui nous mènerons tout au long de la saison jusqu'à la création du mois de juin
Différentes lectures seront données sur l’ensemble du territoire afin que le public puisse suivre l’ensemble du processus de création
Nous insisteront particulièrement sur la façon dont la matière récoltée deviendra matière fictionnelle
Durant les 15 jours de création les répétitions seront ouvertes au public, pour que chacun puisse appréhender le travail en train de se faire et devienne ainsi lus spectateurs que consommateurs
Juin, représentations à déterminer avec l’organisateur.

THÉÂTRE ET ANTHROPOLOGIE

Eric Dicharry est chercheur en anthropologie. Après avoir soutenu sa thèse à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales de Paris en 2009 sous la direction de Daniel Fabre, il a obtenu plusieurs prix et bourses de recherche. Au cours de ses recherches, il a travaillé sur les mascarades en Soule, le rire des Basques, la fête et l’art contemporain au Pays basque, l’écologie de l’éducation et l’improvisation versifiée. Il travaille actuellement dans le cadre d’une bourse de recherche via des fonds européens sur la rédaction d’un ouvrage ayant trait à une résidence de création/médiation/diffusion réalisée par la Compagnie Artizans sur le Domaine d’Abbadia à Hendaye.

Dans le cadre d’un projet européen dont l’objectif est la dynamisation des relations transfrontalières a été mise en place un projet à double entrée : théâtral et anthropologique. L’intérêt du projet réside dans l’articulation de deux regards, de deux approches, de deux écritures. Il s’agit 1) de se demander ce que le théâtre fait à l’anthropologie et en retour ce que l’anthropologie fait au théâtre, 2) de saisir la création théâtrale dans le contexte de sa production, de sa médiation et de sa diffusion 3) d’analyser son impact sur le territoire constitué par les trois communes frontalières d’Irun, de Fontarabie et d’Hendaye au Pays basque, en France, en Espagne et 4) et d’élaborer un outil d’évaluation des résidences de territoire.

L’intérêt du processus évaluatif est non seulement d’introduire de la transparence dans les politiques publiques mais aussi de favoriser le processus démocratique. Ici, action culturelle et méthode évaluative rejoignent le terrain du social et de la démocratie car nous pensons que l’évaluation participative des politiques culturelles peut être une expérience citoyenne proche de l’idéal démocratique. Ici, il s’agit de savoir pour agir. L’évaluation doit s’inscrire entre le cognitif et l’opérationnel. L’expérience d’une double écriture à la fois théâtrale et anthropologique doit permettre de servir de modèle à d’autres structures publiques et/ou associatives qui souhaitent mettre en place des actions culturelles et tenter de les évaluer grâce aux sciences sociales. La publication de la recherche ainsi que les conférences doivent permettre à ce travail de trouver un écho auprès de la population locale afin que celle-ci se saisisse de ce qui a été réalisé pour en débattre. Ainsi pensé, la recherche évaluative se veut un chemin d’accès pour les citoyens au débat public ayant trait aux politiques publiques. L’évaluation n’est pas uniquement pensée dans un objectif théorique. Elle se veut être un modèle d’action culturelle en vue d’une mise en œuvre d’autres politiques publiques à la recherche d’une assise voire d’une légitimité. En ce sens, elle se veut être une aide à la décision pour des décisionnaires de structures publiques et culturelles qui veulent développer leurs programmes dans une optique transversale.

Evaluer n’est pas seulement mesurer et rendre éligible, cela signifie « extraire les valeurs ». Evaluer l’action culturelle c’est, pensons-nous, 1) interroger les valeurs de la théorie et de la pratique théâtrale puis 2) analyser ce que fait le théâtre au territoire dans lequel il s’immerge en utilisant ses valeurs - propres à l’idéal démocratique que sont la liberté, l’égalité et la justice - par le biais de la parole et du mélange. L’évaluation ne fait sens que dans cet ordre chronologique. Porter un regard d’anthropologue sur un regard d’homme de théâtre, en quelque sorte porter un méta regard, c’est donc analyser à partir 1) des valeurs propres au théâtre et 2) à partir des conditions et des moyens adoptés pour les dynamiser – prise de parole et mélange - les effets de la pratique théâtral sur la population qui l’approche et ce aussi bien au niveau individuel que collectif. Pensée de la sorte, l’évaluation s’attache à initier son analyse non pas à partir du social ou de l’économique mais à partir de la culture, non pas à partir de l’impact social, économique ou environnemental du théâtre mais à partir des valeurs qui lui sont propres et des moyens et des conditions qu’il instaure. En d’autres termes, ce n’est qu’à partir du moment où le sens induit par les valeurs, les moyens et les conditions mis en place par la pratique théâtrale sera circonscrit qu’il pourra permettre de questionner les impacts ayant traits aux domaines connexes à la culture que sont les champs économiques, sociaux, environnementaux…C’est cette inversion de l’approche qui est à nos yeux la garante de notre l’évaluation.

La recherche interroge les notions d’autonomie, de responsabilité, d’agir de soi-même, d’initiative individuelle qui sont les références de la vie sociale contemporaine. En se situant au plus près du processus créateur, l’anthropologue interroge l’articulation de la vie à l’œuvre, la signature de l’auteur, le contexte de fabrication et les idées de faire d’un certain théâtre proposé par la Compagnie Artizans.

Quelle est la place du théâtre dans la vie de l’auteur ? Qui sont les membres de la Compagnie Artizans ? Qui est l’auteur ? Quelles sont ses références théâtrales ? Selon quelles modalités l’œuvre de l’auteur/metteur en scène, et/ou l’idée qu’il s’en fait, construit et déconstruit-elle sa vie ? Quelles sont ses « idées de faire » du théâtre ? Quel est son discours à l’endroit de sa pratique ? En quels termes l’auteur parle-t-il de sa création ? Quels sont les contours de son parcours ? La vie de l’auteur/metteur en scène se confond-t-elle avec son œuvre et avec sa pratique ? Quels liens d’appartenance l’auteur entretient-il à l’endroit du théâtre ? L’auteur appartient-il au théâtre ? Le théâtre lui appartient-il ? Le théâtre permet-il à l’auteur de s’appartenir ? L’auteur appartient-il à l’exil ? L’exil lui appartient-il ? L’exploration biographique mérite d’être interprétée au même titre que l’œuvre qui a « germé en elle ». (Fabre, 2010 : 13) La biographie de l’auteur de théâtre s’offre à l’explicitation et à l’interprétation. L’activité herméneutique se déplace de l’élucidation du texte vers la biographie, vers le sujet en tant que tel qui contient désormais l’énigme.

Depuis le début des années 1980 : les sciences humaines redécouvrent les « vertus d'un genre que la raison voulait ignorer » (Dosse, 2005). Le « récit de soi » ou le témoignage connaissent à notre époque une popularité croissante. Quel est l’intérêt pour le chercheur en anthropologie et pour l’auteur de théâtre à s’attacher à rendre compte des histoires de vie ? Le don de parole en tant que récit de soi a-t-il une fonction émancipatrice en permettant une prise de distance et en allégeant le donneur de parole du poids de son vécu dans les mots déposés ? A-t-il un intérêt personnel mais aussi social, culturel, historique ? L’entrée en démarche narrative par rapport à soi permet-elle en retour d’améliorer une entrée en démarche narrative par rapport au monde ? Facilite-t-elle l’acquisition du savoir qui est prise de connaissance du monde ? S’intéresser aux récits de vie c’est réfléchir à ce que la parole et les mots apportent à notre vie, à ce que les mots et la parole donnée nous apporte par rapport au simple fait de vivre. Qu’est-ce que ce rapport au récit change, modifie ? Qu’est-ce que la Compagnie de théâtre et l’anthropologue font de la vie des autres ? Qu’est-ce que nous pouvons en écrire ? Qu’est-ce que l’entrée en narration peut apporter au donneur de parole ? Comment avancer sur la réflexion d’une pratique complexe qui consiste à écrire à partir de la vie des autres ? Comment le récit de vie peut modifier le rapport au savoir et au monde des personnes ?

La problématique du chercheur est la suivante. En questionnant le théâtre comme un cadre de pensée, de pratique et d’action pour l’anthropologie, il s’agit d’interroger l’épistémologie, la propédeutique théâtrale et anthropologique. Interroger la pratique théâtrale en tant que processus créateur permet en retour de questionner l’écriture anthropologique en proposant des analyses critiques et des angles de réflexions singuliers. Il s’agit de comprendre comment 1) les ateliers de théâtre et 2) la création, menés par la Compagnie Artizans se constituent comme un cadre de pensée et de pratique efficace pour l’anthropologie ? Au-delà le questionnement tente de mettre à jour les écarts qui existent entre d’une part l’opération qui consiste à observer les processus créateurs et d’autre part la pratique et la recherche théâtrale. En ce sens le terrain dépassera le champ descriptif pour advenir matière à l’œuvre, à penser et à mettre en œuvre.

 

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